Les éoliennes et panneaux solaires ont un impact positif sur le climat en réduisant l’utilisation d’énergies fossiles. Mais ils auraient aussi un second bénéfice caché : faire pleuvoir et favoriser la végétation.
Les vastes étendues du Sahara – neuf millions de kilomètres carrés – représentent un immense potentiel pour la production d’électricité renouvelable. L’installation de trois millions d’éoliennes, ainsi que de panneaux solaires sur 20 % de la surface du désert permettrait d’alimenter le monde entier en électricité, assure une nouvelle étude publiée le 7 septembre dans la revue scientifique Science. Mais les chercheurs ont découvert une nouvelle vertu à ces énergies propres : elles auraient la capacité de reverdir le désert en augmentant drastiquement la quantité de pluie.
Par quel miracle une éolienne peut-elle faire pleuvoir ? « Les turbines brassent l’atmosphère en faisant converger le vent chaud vers des zones de basse pression », détaille Yan Li, le principal auteur de l’étude. L’air chaud s’élève, se condense et retombe sous forme de pluie. Le phénomène est encore plus marqué la nuit, ce qui limite le refroidissement près du sol. Le mécanisme est différent pour les panneaux solaires, mais aboutit au même résultat. Ces derniers, plus sombres que le sable, réduisent l’albédo et augmentent donc la température au sol. Les chercheurs ont ainsi constaté une augmentation de 50 % des précipitations à proximité des fermes solaires dans le Sahara.
Les panneaux solaires diminuent l’albédo et font augmenter les températures au sol. © American Public Power Association, Unsplash
20 % de couverture végétale en plus
Au total, l’effet cumulé des deux phénomènes (panneaux et éoliennes) conduirait à faire passer les précipitations quotidiennes de 0,24 à 0,59 mm, soit une hausse de 145 %. Certaines régions très sèches, comme le Sahel, connaîtraient même une hausse de 200 à 500 mm par an. De quoi avoir « un important impact écologique, environnemental et sociétal », souligne Daniel Kirk-Davidoff, professeur à l’université du Maryland et l’un des coauteurs. En effet, il s’enclenche un cercle vertueux : plus de végétation réduit encore l’albédo et augmente l’humidité de l’air, ce qui aboutit à encore plus de pluie. Au final, la couverture végétale dans la région pourrait s’accroître de 20 %, estiment les chercheurs. « Les populations pourraient alors élever plus de bétail et sortir de la faim et la pauvreté », s’enthousiasme le chercheur.
L’installation massive de panneaux solaires et d’éoliennes dans le désert du Sahara ferait augmenter la température moyenne de 2,65 °C et les précipitations de 35 millimètres par jour. © Yan Li et alt., Science, 2018
Des milliers de milliards d’euros à investir
Le dernier avantage de cet effet climatique, c’est qu’il est confiné au niveau local, contrairement aux gaz à effet de serre qui réchauffent la planète entière. Il ne risque donc pas d’aggraver les inondations en Inde ou en Amérique centrale. Mais peut-on croire à un tel miracle ? En 2014, une étude du CNRS, du CEA et de l’UVSQ, publiée dans Nature, avait déjà montré qu’un doublement des capacités éoliennes en Europe entraînerait des modifications du climat, avec une hausse de température de 0,3 °C dans les régions les plus équipées (au nord), principalement en hiver, et une légère baisse des précipitations saisonnières due à une modification des vents. Un impact négligeable par rapport aux variations saisonnières naturelles, avaient alors conclu les chercheurs.
Nous sommes donc encore loin de voir le Sahara transformé en champs de légumes. D’autant que l’hypothèse ayant servi à l’étude de Yan Li et ses collègues est très… optimiste. Les 79 térawatts de panneaux solaires et les trois térawatts d’éoliennes utilisés pour la simulation de l’étude représentent plus de 80 fois la puissance totale solaire et éolienne installée aujourd’hui dans le monde (1.013 GW au 30 juin 2018). Et ajouter un seul térawatt de capacité supplémentaire coûtera 1.230 milliards de dollars (1.063 milliards d’euros), selon l’institut d’études Bloomberg New Energy Finance (BNEF).